La gazette du MAJE n°20 / Février 2023

L'entreprise face aux crises la réponse du droit

S’il fallait résumer le début de cette décennie, le mot crise serait largement approprié. Le passage à l’année 2020 a bien entendu été marqué par la crise du covid-19, puis l’on se souviendra de l’année 2022 pour l’invasion de
l’Ukraine par la Russie. Si les préoccupations premières de ces évènements sont nécessairement sanitaires et sécuritaires, elles ont néanmoins eu un impact non négligeable sur les entreprises et les relations d’affaires, mais
aussi sur la relation de travail, entre employeurs et salariés. Les crises successives ayant entrainé une crise économique, le Gouvernement et le Législateur ont pris des mesures exceptionnelles pour y faire face. La
dernière importante en date est la “Loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat”. Mais si les dispositifs d’urgence peuvent proposer des solutions intéressantes dans l’immédiat,
leurs effets à moyen et long terme interrogent… La Team Edito vous propose d’analyser ces dispositifs. En vous souhaitant une bonne lecture !

REMERCIEMENTS : nous tenons à remercier nos directeurs de Master Madame Bargain et Monsieur Lavergne pour leur aide durant la réalisation de cette gazette, ainsi que Maître Humeau, mandataire judiciaire, pour son témoignage sur les prêts garantis par l’Etat.

Avec le développement du commerce électronique et des transactions en ligne, la loi pour la confiance dans l’Economie Numérique du 21 juin 2004 avait introduit dans le Code civil un nouveau chapitre relatif aux contrats
conclus par voie électronique. Jadis, La loi LCEN régissait uniquement les modalités de conclusion des contrats sous forme électronique et l’élargissement de leur champ d’application. A contrario, le législateur n’avait prévu aucune disposition relative à la résiliation de contrats conclus par voie électronique.

A cause de ce vide législatif, on constate que la conclusion d’un contrat par voie électronique est beaucoup plus simple que sa résiliation. En effet, au moment de résilier son contrat, le consommateur est souvent confronté à des difficultés telles qu’une résiliation exclusivement téléphonique avec un service client injoignable, un délai de préavis trop long, la prise en compte tardive de la résiliation par les professionnels[1].

En outre, les conditions pour mettre fin aux contrats conclus en ligne sont différentes d’un contrat à un autre et d’un professionnel à un autre. Et généralement les clients ne le découvrent qu’après la conclusion du contrat. Toutes ces différentes formalités rendent difficile la résiliation des contrats conclus par voie électronique. C’est ainsi que certaines personnes se retrouvent à perpétuer des contrats dont ils n’ont plus l’utilité et qui peuvent même parfois avoir un impact significatif sur leur situation économique.

Dans une période marquée par l’inflation, l’objectif du législateur est de garantir à chacun la possibilité de réaliser des arbitrages de consommation au regard de ses ressources et de leur utilité. Pour ce faire, la loi pouvoir d’achat du 16 août 2022 vient enfin poser un cadre législatif à la résiliation des contrats conclus par voie électronique.

L’encadrement législatif de la résiliation par voie électronique

L’article 15 de la loi du 16 août 2022 introduit dans le code de la consommation l’article 215-1-1 qui dispose que « Lorsqu’un contrat a été conclu par voie électronique ou a été conclu par un autre moyen et que le professionnel, au jour de la résiliation par le consommateur, offre au consommateur la possibilité de conclure des contrats par voie électronique, la résiliation est rendue possible selon cette modalité ».

Pour ce faire, le professionnel devra mettre à la disposition de son client une fonctionnalité gratuite lui permettant d’accomplir les démarches nécessaires pour mettre fin au contrat par voie électronique. Selon le rapport de la commission des affaires sociales, cette « fonctionnalité gratuite » pourrait consister à la mise en place d’un « bouton de résiliation » sur le site internet du professionnel[2].

De plus, l’alinéa 2 de l’article précité précise que « lorsque le consommateur notifie la résiliation du contrat, le professionnel lui confirme la réception de la notification et l’informe, sur un support durable et dans des délais raisonnables, de la date à laquelle le contrat prend fin et des effets de la résiliation ». Cette disposition vient ainsi lutter contre la prise en compte tardive des demandes de résiliation et la mauvaise foi de certains professionnels qui ne donnent pas suite à des notifications.

Enfin, le dispositif permet de mettre fin à la différence de traitement qui existe entre la conclusion d’un contrat en ligne et sa résiliation. En effet, d’après la Commission des affaires sociales, « le texte consacre le principe d’un parallélisme des formes entre les modalités de souscriptions et de résiliation d’un contrat »[2]

Quels sont les contrats concernés par ce dispositif ?

L’article 215-1-1 du code de la consommation sera applicable à tous les contrats de consommation y compris le contrat de fourniture d’eau potable et d’assainissement. [3]

Toutefois, concernant le crédit à la consommation, l’applicabilité de cette disposition ce secteur n’est pas aussi évidente. À priori, l’article précité devra aussi s’appliquer aux contrats de crédit à la consommation. Cependant, le rapport de la commission des affaires sociales indique que le projet de loi a vocation à régir des contrats portant sur la fourniture de biens et de services touchant à la vie quotidienne. Sont exclus « les contrats portant sur les services financiers ».

Ainsi, il semble que la volonté du législateur soit de permettre aux consommateurs de résilier facilement les abonnements ayant pour objet l’usage d’une salle de sport, d’un service internet, ou la fourniture de gaz et d’électricité. De ce fait, il apparait que les contrats de crédit à la consommation n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 15 de la loi pouvoir d’achat. Par ailleurs, les clients n’ont généralement aucun intérêt à résilier avant le terme un contrat de crédit, puisque cela engendre habituellement un remboursement anticipé et le versement des indemnités de résiliation.

Il faudra donc attendre la parution du décret, prévu au plus tard au 1er juin 2023, pour lever le doute sur l’applicabilité de ce dispositif au crédit à la consommation. Hormis les contrats de consommation, l’article 17 de ladite loi étend le dispositif prévu à l’article 15 aux contrats souscrits auprès des assureurs, des mutuelles, et des instituts de prévoyance. Pour finir, on remarque que le législateur exclut de ce dispositif les contrats conclus par des personnes physiques pour leurs activités commerciales, industrielles, artisanales ou libérales.

Le processus de résiliation

Le législateur laisse le soin au pouvoir réglementaire de fixer les modalités de présentation et d’utilisation de la fonctionnalité de résiliation. Ce dispositif est inspiré de la loi allemande du 10 août 2021 sur les contrats équitables conclus avec les consommateurs. De ce fait, on peut légitimement croire que le processus de résiliation ressemblera à celui du modèle allemand. Ce dernier prévoit un processus de résiliation en trois étapes :

Ø le consommateur clique sur le bouton de résiliation, qui le dirige directement sur une page de confirmation ;

Ø Le professionnel doit inviter le consommateur à résilier le contrat et lui permettre de fournir des informations

Ø Enfin, la page doit contenir un bouton de confirmation qui permet au consommateur d’envoyer sa déclaration de résiliation.

L’impact du dispositif chez les professionnels L’entrée en vigueur de cette loi n’est pas sans conséquences chez les professionnels. D’abord, ces derniers devront modifier leur site internet afin de répondre aux nouvelles exigences de la loi. Il faut noter que celui qui ne respecte pas ces dispositions sera sanctionné d’une amende administrative dont le montant ne pourra excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale[4].

Cette disposition présente ensuite un caractère immédiat. En effet, le II de l’article 15 précise que l’obligation faite aux professionnels vaut pour les contrats en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur du dispositif. Toutefois, le Conseil d’Etat considère que la disposition ne porte pas une atteinte disproportionnée « ni à la liberté contractuelle, ni au droit au respect des biens garantis par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales »[5].

Pour conclure, la tendance étant à la conclusion des contrats par voie électronique, il est évident que nombreux seront les professionnels concernés par ce dispositif.

Références

[1] Thibault Douville « La résiliation par voie électronique » , Recueil dalloz, 2022, p1602

[2] Charlotte Parmentier-Lecocq « Rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » , Assemblée Nationale, 13 juillet 2022 Consultable sur le site de l’assemblée nationale : https://cutt.ly/b2ngErw

[3] Article 215-2 du code de la consommation

[4] Nouvel article 241-3-1 du code la consommation

[5] « Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi portant sur la loi Pouvoir d’achat », Conseil d’Etat, 4 juillet 2022, Consultable sur le site du Conseil d’Etat : https://cutt.ly/V2ngGgo

Les circuits de financement, les systèmes monétaires et les marchés financiers ont joué un rôle important dans l’histoire économique ancienne comme récente. En 1891, Émile Zola évoquait déjà la bourse et la spéculation dans son roman intitulé L’Argent. Au sein de cet ouvrage, le célèbre naturaliste puisait alors son inspiration dans les scandales de son époque tels que celui de Panama en 1889 ou encore la faillite du Comptoir national d’escompte de Paris (devenu aujourd’hui la banque BNP).

Depuis les années 1970, et plus particulièrement le premier choc pétrolier de 1973, l’on assiste à un mouvement général de globalisation financière caractérisé par la politique dite « des 3D »[1]. Cette théorie, élaborée par Henri Bourguignat, désigne la « Désintermédiation », le « Décloisonnement » ainsi que la « Déréglementation » des marchés économiques et financiers notamment, alimentant entre autres le phénomène de mondialisation économique et financière.

Au cours des années et en raison de leur ouverture croissante, les marchés économiques et financiers sont devenus de plus en plus sujets aux crises.

Au sens économique du terme, un marché est un lieu physique ou virtuel où se rencontrent offres et demandes, ce qui crée des échanges. Notons la particularité des marchés de capitaux qui sont les marchés sur lesquels les agents économiques peuvent trouver des liquidités[2]. Les marchés de capitaux se subdivisent en deux branches.

D’une part, l’on trouve les marchés monétaires qui sont composés du marché interbancaire et de celui des titres et des créances. D’autre part, se distinguent les marchés financiers pour lesquels les échanges concernent des instruments dits financiers tels que les actions, les obligations, les devises et produits dérivés. Aujourd’hui, ces derniers rencontrent un succès grandissant en raison de la forte volatilité des marchés.

Ces marchés économiques et financiers font face à des crises. Le terme de crise peut désigner les crises économiques mais aussi financières ou encore militaires, humanitaires, etc. Aussi, il est possible d’étudier chaque crise plus en détail pour en comprendre ses impacts. Prenons l’exemple des crises financières : une crise financière inclut les crises de change mais aussi les crises bancaires et boursières.

Les liens de dépendance entre les différents marchés impliquent bien souvent un effet domino entre ces derniers, effet également appelé risque systémique tel que le présente l’OCDE dans sa revue n°25[3]. La mondialisation ayant renforcé l’interconnexion mais aussi l’interdépendance et l’intradépendance entre les agents économiques du monde moderne, les crises quelles qu’elles soient impactent rapidement un grand nombre d’acteurs économiques et financiers aujourd’hui. Le monde de l’entreprise est directement concerné par ces préoccupations, les entreprises et les sociétés étant des agents économiques à part entière sur les différents marchés mondiaux.

Ces dernières constituent même très souvent un lien indispensable entre les marchés et les consommateurs individuels, les ménages.

Dans quelle mesure la guerre en Ukraine impacte-t-elle réellement les marchés ?

La guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie est d’abord une crise militaire et humanitaire. Cependant, elle affecte également l’approvisionnement en matières premières (à l’origine d’une crise énergétique et de ruptures de certaines denrées alimentaires), les échanges commerciaux, économiques et financiers. Plus encore, ce conflit porte atteinte à la confiance qu’ont les agents économiques dans les différents marchés touchés. Dès lors, l’on redoute des mouvements de panique et d’incertitude sur les marchés.

De facto, la guerre en Ukraine a une incidence directe sur les marchés et leur structure. Il est possible de constater que les interconnexions de marché ont été très sollicitées depuis le début de ce conflit. La Banque de France définit les interconnexions de marché comme « les liens économiques et financiers entre les agents économiques ainsi que leur exposition à des facteurs de risque communs (économiques, sanitaires, climatiques, géopolitiques, etc.) »[4]. Aussi, les instabilités rencontrées sur ces marchés peuvent-elles parfois rapidement se propager.

On parle alors du phénomène de contagion qui se caractérise selon la Banque de France par « l’augmentation de ces interconnexions de marchés en réaction à des évènements négatifs extrêmes ». Bien que les interconnexions de marchés soient le témoin d’une économie extrêmement développée, elles impliquent également certains risques non négligeables. Un marché fortement interconnecté est, du fait du système d’interdépendance dans lequel il se trouve, fortement exposé à la transmission des chocs et des crises des marchés voisins.

Au cours d’une analyse qu’elle a menée, la Banque de France, dans son billet n°270, relate que : « Pendant le conflit en Ukraine, les matières premières sont devenues beaucoup plus interconnectées au sein du réseau. En effet, la guerre a engendré des corrélations négatives entre certaines matières premières (aluminium, pétrole, or, argent, blé, soja) et les marchés actions, notamment européens (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Angleterre). Ces nouveaux liens découlent des préoccupations relatives à l’impact économique de la hausse des prix des matières premières, voire de difficultés d’approvisionnement (aluminium, pétrole, blé, soja).

Les métaux précieux (or, argent) semblent pour leur part jouer un rôle de valeur refuge dans cette période d’aversion au risque »[5].

La corrélation entre deux variables financières, deux actifs est l’intensité de la liaison qui existe entre ces variables ou actifs[6]. Une corrélation négative signifie qu’une des variables augmente quand l’autre baisse. Les marchés des matières premières et les marchés d’actions qui sont liés ont donc été particulièrement touchés par cette crise. En l’espèce, le prix des matières premières a fortement augmenté tandis que la valeur des actions qui y sont attachées, a baissé en raison de la forte volatilité, des incertitudes et des difficultés à se procurer ces matières et denrées de plus en plus chères.

Ces difficultés pèsent évidemment sur la valeur des sociétés qui voient en parallèle de cela leurs coûts de production augmenter : cela affecte leur profit et donc leur valeur sur les marchés. Ainsi, à mesure que le prix des matières premières augmente, la valeur des actions décroît impliquant bien cette corrélation négative.

Selon les experts de la Banque Mondiale, cette tendance ne devrait pas s’inverser avant la fin 2024. La hausse des cours généralisée, qui rend la substitution d’un produit par un autre bien plus difficile, fait augmenter les coûts de production ainsi que les coûts d’extraction comme d’approvisionnement[7]. Tout ce processus provoque ainsi une inflation sans précédent et des difficultés d’approvisionnement. L’envolée générale des prix de plusieurs domaines entraîne une baisse significative de la valeur des actions sur les marchés financiers.

À l’inverse, le marché des obligations ne semble pas avoir connu le même sort[8]. En effet, dans un contexte économique incertain, les agents économiques cherchent à investir dans des valeurs plus fiables telles que les obligations. L’on observe une tendance suivant laquelle les investisseurs revendent leurs actions pour acheter davantage de titres prêtés par l’État.

Les entreprises également affectées

Alors que les prix mondiaux avaient augmenté selon le rapport Cyclope[9] publié chez Economica de près de 49% en 2021[10], certaines matières premières ainsi que l’énergie ont connu depuis le début de la guerre en 2022 des hausses moyennes supérieures à 100%.

Face à ce constat, les voies d’amélioration semblent étroites tant les incertitudes sur la situation russo-ukrainienne sont grandes. La Russie, première exportatrice mondiale de gaz naturel vers les vingt-sept pays européens[11] et onzième pays le plus riche suivant le classement des PIB mondiaux effectué par le FMI, a, en attaquant l’Ukraine en février 2022, impacté l’économie mondiale dans sa globalité ainsi que les marchés. En effet, le prix du gaz sur le marché TTF a immédiatement augmenté corrélativement à l’attaque russe sur le territoire ukrainien. En avril 2022, la Banque Mondiale, dans son rapport nommé « Commodity Markets Outlook », évoquait déjà les conséquences à venir de cette guerre en Ukraine en indiquant que cette dernière risquait de « provoquer un choc majeur sur les marchés des produits de base et modifier la physionomie des échanges, de la production et de la consommation dans le monde[12] ».

Une incidence majeure sur le coût de l’énergie, des matières premières et l’exécution des contrats de commande publique

Les entreprises font donc face aux pénuries et aux restrictions concernant les matières premières, le carburant, les engrais et l’énergie. L’augmentation du prix du gaz et de l’énergie oblige les entreprises à trouver des alternatives et à tenter de réduire leurs consommations les plus énergivores afin de voir leurs factures baisser.

Les établissements et le capital fixe de ces entreprises exercent, en effet, pour beaucoup, une forte demande sur ces denrées.

Ce même rapport rendu par la Banque Mondiale indique ainsi que l’augmentation du coût de l’énergie n’a jamais été aussi important depuis la crise pétrolière de 1973. Dans ce contexte, il est important de noter que le gouvernement a tenté de proposer aux entreprises des solutions en adressant au secteur de la commande publique ainsi que privée des propositions[13]. En effet, en septembre 2022 la circulaire n° 6374/SG relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières a été signée par Madame la Première Ministre.

En vertu de cette dernière sont présentées les solutions envisagées pour pallier la situation économique critique dans laquelle certains contrats peuvent alors se trouver[14].

Sont exposés : l’obligation de prévoir des prix révisables pour de nombreux marchés publics ; la possibilité de procéder à des modifications des seules clauses financières des contrats pour compenser les conséquences des hausses imprévisibles de certains coûts d’approvisionnement des prestataires ; le droit du cocontractant d’être indemnisé sur le fondement de la théorie de l’imprévision ; la possibilité de résilier le contrat à l’amiable faute d’accord sur le conditions de poursuite du contrat ; mais aussi le gel des pénalités contractuelles dans l’exécution des contrats de la commande publique ainsi que l’application de l’article 1995 du code civil pour les contrats de droit privé [15].

Rappelons qu’en vertu de l’article R2194- 5 du Code la Commande Publique : « Le marché peut être modifié lorsque la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir. Dans ce cas, les dispositions des articles R. 2194- 3 et R. 2194-4 sont applicables. ».

Dans la mesure où l’approvisionnement en matières premières est de plus en plus difficile et où la crise énergétique bat son plein alors que l’inflation ne cesse de grimper, les autorités nationales et européennes cherchent à mesurer au mieux les effets de cette crise générale. Les cours des différents marchés se sont envolés, les marchés de matières premières ont connu une inflation sans précédent ce qui a, sans surprise, impacté directement les cours des bourses.

Ainsi, les entreprises subissent pour beaucoup la crise de plein fouet en matière de coûts et d’approvisionnements. Toutefois, les sociétés cotées peuvent aussi voir leur situation boursière fluctuer en raison de ce conflit. Aussi, les différentes autorités de régulation et de contrôle des marchés ont-elles pour objectif de contrôler et de pérenniser autant que faire se peut la situation.

Les points de vigilance soulevés par les autorités de contrôle

L’ESMA (Autorité Européenne des Marchés financiers) a pour mission principale de surveiller les marchés financiers afin d’assurer deux objectifs principaux : veiller à leur stabilité mais aussi à la sécurité des acteurs sur ces marchés.

La guerre en Ukraine, en impactant fortement les marchés, a contraint l’ESMA à redoubler de vigilance en cherchant à éviter ou à éclaircir les zones d’ombres et de danger. Cette dernière, en collaboration avec l’AMF, a également étudié de près les enjeux auxquels se sont heurtés les sociétés cotées en bourse à l’occasion de la guerre en Ukraine. Aussi, l’Autorité européenne, accompagnée des autorités de contrôle nationales, exhorte-t-elle ces sociétés à suivre certaines dispositions à retrouver sur le site de l’Autorité des marchés financiers.

Dans un communiqué en date du 15 mars 2022[16], il est rappelé aux sociétés cotées en bourse que ces dernières ont une obligation de transparence en matière d’informations transmises et sont invitées à coopérer comme suit :

-« Communiquer dès que possible toute information privilégiée relative aux impacts de la crise sur leurs activités, perspectives et situation financière, sauf si les conditions sont remplies pour différer une telle information ;

– Publier des informations qualitatives et quantitatives sur les impacts directs et indirects actuels et prévisibles de la crise sur les activités, la stratégie, les expositions, les chaînes d’approvisionnement, la situation financière et la performance des sociétés, au sein des rapports financiers annuels 2021 si applicable, et à l’assemblée générale, ou dans les informations semestrielles à venir. »

Outre cette inflation générale de grande ampleur, rappelons un point de vigilance notable : celui des bulles spéculatives pouvant se former autour des cours des matières premières en raison de leur forte volatilité. On parle de bulle spéculative lorsque le prix d’un actif est particulièrement haut en comparaison avec sa valeur financière intrinsèque.

Une fois instaurées, celles-ci continuent de croître jusqu’à leur éclatement brutal entraînant une chute brutale des prix lorsque les investisseurs lors d’un mouvement de panique mimétique se mettent à vendre l’ensemble de leurs actifs. De fait, ces phénomènes nécessitent une surveillance accrue de la part des autorités financières[17].

Références

[1] Serge Lepeltier, “Mondialisation une chance pour l’environnement ?”, Rapports d’information du Sénat, Senat, 3 mai 2004, consultable sur le site : https://cutt.ly/B2EVbxC

[2] “Marchés de capitaux”, Alternatives Economiques le dictionnaire, Alternatives économiques, 2023, consultable sur le site:https://cutt.ly/82EVQrR

[3] Malcom Eldey et Hetil Hviding, Revue économique de l’OCDE, N°25, février 1995, consultable via le lien : https://cutt.ly/G2EVXTw

[4] Tristan Jourde, “La guerre en Ukraine renforce les interconnexions de marchés”, Bloc[1]notes Éco de la Banque de France, billet n°270, 16 mai 2022, consultable sur le site : https://cutt.ly/K2EVBuK

[5] Voir [4]

[6] “La corrélation, un outil de gestion du risque”, ABC Bourse, consultable sur le site : https://cutt.ly/f2EBwcm

[7] Etienne Goetz, “Pourquoi la hause des prix des matières premières est partie pour durer”, Les Echos, 27 avril 2022, consultable sur le site : https://cutt.ly/y2EBtYV

[8] Michel Poicard, “Ukraine : quel effet la guerre sur les marchés” Pour l’Eco, 20 mai 2022, consultable sur le site : https://cutt.ly/P2EBdBf

[9] Philippe Chalmin et Yves Jégourel « Les marchés mondiaux » , Rapports Cyclope, Economica, 2021 : https://cutt.ly/h2EBQbU

[10] Armelle Bohineust, “La guerre en Ukraine aggrave la crise des matières premières et de l’énergie”, Le Figaro, 08 juin 2022, consultable sur le site : https://cutt.ly/D2EBkTH

[11] Rapport d’informations du Sénat, “Union européenne – Russie : quelles relations ?”, consultable sur le site : https://cutt.ly/N2EBxhn

[12] Robert Jules, “Le choc de la guerre en Ukraine entraine une flambée durable des prix des matières premières”, La Tribune, 27 avril 2022, consultable sur le site : https://cutt.ly/b2EBvgK

[13] Evangelina Karamitrou, “Hausse des prix des matières premières une circulaire est parue”, Landot avocats 05 avril 2022, consultable sur le site : https://cutt.ly/m2EBntN

[14] Publication d’une nouvelle circulaire sur l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières, Direction des affaires juridiques, Ministère de l’Économie des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, consultable via le lien : https://cutt.ly/U3S7I9B

[15] Circulaire n° 6374/SG du 29 septembre 2022 relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières et abrogeant la circulaire n°6338/SG du 30 mars 2022, Ministère de l’Économie des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, consultable sur le site : https://cutt.ly/f3S6f0T

[16] “Guerre en Ukraine et impact sur les marchés financiers : l’AMF attire l’attention des sociétés cotées sur les points de vigilance de l’ESMA”, AMF, 15 mars 2022, consultable sur le site : https://cutt.ly/Y34Fjn2

[17] Thierry Tshilonda, “Qu’est-ce qu’une bulle spéculative”, IG, consultable sur le site : https://cutt.ly/h2EBFgA

La crise liée au coronavirus a entrainé la chute du PIB français de 13,8% au deuxième trimestre 2020. En effet, les trois confinements successifs entre mars 2020 et mai 2021 ont entrainé un effondrement global de l’activité. Après la crise sanitaire, les conséquences économiques du conflit russo[1]ukrainien ont continué de provoquer de fortes tensions sur la trésorerie des entreprises. Pour faire face à leurs différentes charges non prorogeables, ces dernières ont dû avoir recours au crédit bancaire.

Le prêt garanti par l’État, c’est quoi ?

Conscient de la détresse des entreprises, le Gouvernement a décidé de mettre en place des dispositifs exceptionnels d’aides dont le prêt garanti par l’État (PGE). Il s’agit d’une avance de trésorerie faite à une entreprise par sa banque et qui a pour spécificité d’être garantie par l’Etat au vu du contexte économique incertain. Un dispositif similaire avait été mis en place par Oseo, précurseur de Bpifrance, lors de la crise économique de 2008. A l’époque, ce sont environ 21 000 entreprises qui avaient pu bénéficier de ce prêt garanti par l’État. Aujourd’hui, on décompte environ 800 000 PGE en France pour un montant total de 148 milliards d’euros.

Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur forme juridique, peuvent bénéficier d’un PGE sauf les sociétés de financement, les établissements de crédit et certaines sociétés civiles immobilières. A compter du 1er janvier 2020, l’Etat a permis aux entreprises en difficulté et aux jeunes entreprises innovantes de pouvoir également bénéficier d’un PGE.

Une garantie directe et subsidiaire

La spécificité de ce prêt est qu’il est garanti par l’État. En ce sens, l’État garantit entre 70 et 90% du montant du capital, intérêts et accessoires restant dus du prêt contracté, selon la taille de l’entreprise bénéficiaire. Cela signifie que si l’entreprise est dans l’incapacité de rembourser le PGE, la banque pourra obtenir le paiement du montant garanti par l’intermédiaire de Bpifrance, mandataire de l’État. On dit de la garantie qu’elle a un caractère direct en ce sens qu’elle est octroyée directement par celui qui fournit la garantie, l’État, au bénéficiaire, la banque. La garantie est dite subsidiaire au motif que c’est seulement en cas de défaut de l’entreprise que Bpifrance paiera.

Le montant maximal du PGE dépend du moment de création de l’entreprise. En effet, pour les entreprises créées avant le 1 er janvier 2019, le PGE ne pourra pas dépasser 3 mois de chiffre d’affaires hors taxes 2019 (ce qui équivaut à 25% du chiffre d’affaires). Pour les entreprises créées après cette date ou les entreprises innovantes, le PGE ne doit pas dépasser deux années de masse salariale (qui est la somme des rémunérations brutes versées par l’entreprise à ses salariés au cours des deux exercices).

Une garantie de l’Etat est apportée moyennant le versement d’une prime. Le coût de la garantie d’État pour la première année est de 0,25% du montant emprunté pour les TPE, les PME et les exploitations agricoles et de 0,50% pour les grandes entreprises. Le taux bancaire appliqué au PGE varie selon la durée du remboursement. Ainsi, pour les prêts remboursés en 2022 ou 2023, le taux bancaire applicable est compris entre 1 à 1,5%. Ce taux augmente de 2 à 2,5% pour les prêts remboursés en 2024 à 2026.

Le remboursement du PGE ne sera exigé qu’au bout d’un an. Quelques mois avant la date anniversaire du prêt, le chef d’entreprise pourra choisir entre rembourser l’intégralité du PGE immédiatement, amortir le montant du prêt sur un à cinq ans (l’amortissement sert à étaler le coût du prêt sur sa durée d’utilisation) ou faire un choix hybride. Par exemple, si le chef d’entreprise fait le choix de rembourser la totalité du PGE au bout des 12 mois, il verra prélever sur son compte le montant total du prêt ainsi que le coût de la garantie de l’état. En revanche, s’il décide de rembourser de manière partielle le montant du PGE, alors le chef d’entreprise devra payer, à la date anniversaire, la somme partielle et le coût de la garantie. Le montant restant du PGE sera, quant à lui, amorti selon la durée choisie. En principe, la durée du prêt peut aller jusqu’à 6 ans maximum. Toutefois, peut être accordé un délai supplémentaire d’un an durant lequel seuls les intérêts et le coût de la garantie seront payés.

Conscient du délai trop court pour certaines entreprises de rembourser dans le délai imparti, le ministre de l’Economie et des finances a annoncé la signature d’un accord de place avec la Banque de France et la Fédération bancaire française. Cet accord, applicable à compter du 15 février 2022, autorise le recours à la médiation pour réaménager le PGE. Ainsi, les entreprises dont le montant du PGE est inférieur à 50 000 euros pourront bénéficier d’un allongement des délais de remboursement allant de 6 à 10 ans. Cette restructuration sera aussi possible pour les PGE supérieurs à 50 000 euros lorsque la situation de l’entreprise le nécessite. Elles pourront saisir le Conseil départemental de sortie de crise qui pourra leur proposer des solutions adaptées.

Le PGE « Résilience »

Depuis le 8 avril 2022, le PGE dit « Résilience » est ouvert aux entreprises qui sont impactées par les conséquences économiques du conflit en Ukraine. Ce PGE permet de couvrir jusqu’à 15% du chiffre d’affaires au cours des trois dernières années. Il est cumulable avec les PGE précédemment obtenus. Ainsi, une entreprise qui a emprunté un premier PGE lors de la crise du covid-19 représentant 25% de son chiffre d’affaires peut à nouveau contracter un PGE Résilience d’un montant maximal de 15% de son chiffre d’affaires. Cela signifie qu’une même entreprise peut se retrouver à emprunter plusieurs PGE pour un montant total de 40% de son chiffre d’affaires. Cette aide était disponible jusqu’au 30 juin 2022. Toutefois, la loi de finances rectificative pour 2022 a prolongé le dispositif jusqu’au 31 décembre 2022.

François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, a été interrogé par Ouest France le 31 août 2022 sur la situation des entreprises françaises, très endettées comparées aux entreprises américaines et allemandes. Lors de cette interview, Il a notamment dit que « la situation financière des entreprises est favorable à la sortie du Covid. Le “quoiqu’il en coûte” a été efficace pour cela. Le taux de marge des entreprises fin 2021 est à un niveau solide à 32%. Elles abordent donc cette nouvelle phase, faite de beaucoup d’incertitudes, avec une structure solide ».

« Les moyens octroyés par l’état ont été des facteurs d’aggravation de la dette »

Certains professionnels des procédures collectives ne sont pas aussi optimistes sur le sujet du PGE. Maître Thomas Humeau, mandataire judiciaire exerçant à Saintes, Niort et La Roche-sur-Yon, a accepté d’être interviewé à ce sujet par la Team Edito. Il différencie trois situations. D’une part, il y a les entreprises pour qui le PGE a été une véritable aubaine. Ces dernières ont ainsi pu profiter de prêts beaucoup plus avantageux que ce dont elles auraient pu bénéficier en temps normal et ont pu faire de la croissance externe. D’autre part, il y a les entreprises qui ont les moyens de rembourser le PGE mais qui se sont privées de tous investissements. Habituellement, une entreprise demande un prêt afin de pouvoir investir et ainsi créer des richesses. Une fois que le prêt est remboursé, l’entreprise conserve ses investissements. Dans le cas du PGE, ces entreprises ont eu recours à un tel prêt uniquement pour financer une insuffisance de chiffre d’affaires. A lafin du remboursement, ces entreprises n’ont fait aucun nouvel investissement. Dès lors, Maitre Humeau considère le PGE comme une dette non productive. Par ailleurs, ces entreprises sont privées de tout investissement durant la durée de leur remboursement et risquent donc d’être moins compétitives sur le marché. Enfin, on trouve les entreprises qui rencontraient déjà des difficultés avant la crise liée au coronavirus. On constate dans ce cas que le PGE est simplement venu alourdir leur passif, sans compter les nombreux moratoires accordés par le Trésor Public, l’URSAFF ou encore les arriérés de TVA.

Certaines de ces entreprises ont pu contracter un PGE alors même qu’elles étaient en cessation de paiement au moment de la souscription. Le mandataire judiciaire déplore que les banques aient octroyé des prêts à des entreprises qui étaient déjà dans l’incapacité de rembourser. Maitre Humeau regrette également que l’État n’ait pas encouragé les entreprises à s’orienter vers des procédures amiables ce qui aurait pu permettre par le biais de mécanismes de gels ou de reports, de ne pas aggraver la dette. Certaines entreprises auraient quand même eu besoin de bénéficier d’un PGE. Toutefois, le montant du prêt aurait été nettement plus faible si elles avaient été conseillées par des professionnels des procédures collectives. Aujourd’hui, certaines entreprises ayant bénéficié d’un PGE demandent l’ouverture de procédures de sauvegarde ou même de redressement. Maitre Humeau constate en réalité que ces entreprises sont déjà dans des situations liquidatives car elles n’ont plus les moyens de payer l‘accroissement de la dette. Selon lui, les moyens octroyés par l’État ont été des facteurs d’aggravation de la dette.

Maitre Humeau conclut en disant que la politique du « quoi qu’il en coûte », créant ainsi une surchauffe de liquidité, est sûrement l’une des causes de la crise inflationniste que nous traversons actuellement.

En 2020, selon la Dares, 9,5 millions de salariés avaient accès à au moins un dispositif de participation, d’intéressement ou un plan d’épargne salariale[1]. Plus précisément, ils étaient 52,3% à profiter d’un plan d’épargne entreprise.

Les sommes perçues par les salariés au titre de l’intéressement et de la participation aux résultats de l’entreprise peuvent être placées sur différents produits d’épargne salariale tel qu’un Plan d’Epargne Entreprise (PEE), un Plan d’Epargne Interentreprises (PEI) ou un Plan d’Epargne pour la Retraite Collectif (Perco).

Pour rappel, l’intéressement est un dispositif facultatif, permettant à toute entreprise qui le souhaite de faire participer ses salariés aux résultats ou aux performances de l’entreprise[2]. La participation est un dispositif permettant quant à lui de redistribuer, au profit des salariés, une partie des bénéfices annuels réalisés par l’entreprise selon des modalités prévues par un accord collectif. Elle est obligatoire dans les entreprises employant au moins 50 salariés et dégageant un bénéfice suffisant.

Enfin, le PEE est un système d’épargne collectif ouvrant aux salariés la faculté de se constituer, avec l’aide de l’entreprise, un portefeuille de valeurs mobilières[3]. L’entreprise prend à sa charge la gestion du plan et peut éventuellement abonder les sommes versées par les salariés. Ce système d’épargne combine à la fois un cadre collectif défini au niveau de l’entreprise et une initiative individuelle du salarié.

Bloquées pendant 5 ans minimum, les sommes détenues dans le cadre du PEE proviennent des versements volontaires issus de l’intéressement et de la participation des salariés. Le Code du travail prévoit des possibilités de déblocages anticipés (mariage, naissance, divorce, violences conjugales, rupture du contrat de travail, etc.).

Dans un objectif de libérer du pouvoir d’achat et de favoriser la consommation, les gouvernements se sont réservés, à de multiples reprises, la possibilité de mettre en place un procédé permettant de débloquer l’épargne salariale de manière anticipée. En effet, depuis 1994 [4] une succession de dispositions législatives ont été mises en place afin de faciliter la perception immédiate des sommes placées.

A nouveau, dans la loi du 16 août 2022 [5], complétée par la loi de finances rectificatives, le législateur a prévu des mesures dérogatoires destinées à relancer le pouvoir d’achat. Ce dernier a été fortement impacté par la hausse des prix à la consommation et par les difficultés liées à la crise ukrainienne engendrant une hausse de l’inflation de 6,1% sur un an en juillet 2022, selon l’INSEE. Plus précisément, l’article 5 de cette loi permet, à titre exceptionnel, le déblocage des revenus de l’épargne salariale avant la fin du délai d’indisponibilité.

Les modalités du déblocage exceptionnel instituées pour la fin d’année 2022

Le déblocage n’intervient que sur demande du salarié effectuée entre le 18 août et le 31 décembre 2022. Ce retrait ne nécessite pas de motif de déblocage anticipé.

Des conditions subsistent tout de même. Tout d’abord, une seule demande de déblocage est possible par organisme gestionnaire et ce dans la limite d’un plafond global de 10 000 € net de prélèvements sociaux [6]. Les sommes débloquées bénéficient des mêmes exonérations sociales et fiscales que celles prévues pour l’intéressement et la participation affectés à un PEE [7].

Champ d’application

Les dispositions relatives à ce déblocage s’appliquent aux employeurs de droit privé disposant d’un régime de participation ou d’un accord d’intéressement et d’un PEE. Il en va de même pour leurs salariés, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, anciens salariés mais également aux dirigeants et à leurs conjoints bénéficiaires d’un PEE.

Les sommes débloquées ne peuvent en aucun cas être réinvesties, ni servir au solde d’un crédit ou à la clôture d’un prêt par anticipation. Le déblocage doit obligatoirement servir à financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services.

Nature des sommes pouvant être débloquées

De façon générale, l’ensemble des sommes issues de la participation et de l’intéressement sont concernées par le déblocage, y compris l’abondement de l’employeur qui s’y rattache. Cette libération peut porter sur tout ou partie des sommes épargnées avant le 1er janvier 2022.

Si les sommes visées entrent dans le champ du dispositif, le déblocage est de droit et ne peut pas être refusé par l’employeur ou le teneur de compte dans la limite du plafond prévu par la loi (10 000 euros maximum par salarié). Par ailleurs, si le déblocage d’une partie des sommes est conditionné à la conclusion d’un accord, la demande du bénéficiaire ne sera pas prise en compte et le déblocage ne pourra être effectif qu’après la conclusion de cet accord.

L’entreprise peut, sans obligation, prendre en charge les frais de déblocage. Dans le cas contraire, les frais seront facturés au bénéficiaire et déduit des sommes débloquées. L’organisme gestionnaire ou, à défaut, l’employeur déclare le montant des sommes débloquées à l’Administration fiscale. Le bénéficiaire doit, quant à lui, tenir à la disposition de cette administration les pièces justificatives attestant de l’usage des sommes débloquées, dans le cas éventuel d’un contrôle a posteriori. Le délai de conservation est de 3 ans.

Face à l’actuelle situation, il était urgent de relancer la consommation. Pour cela, le déblocage de l’épargne salariale a été mis en place.

L’épargne salariale un renfort du pouvoir d’achat ?

C’est en tout cas l’idée des sénateurs dans ce contexte inflationniste. Ces derniers ont en effet permis aux salariés, ayant besoin de liquidités, de retirer de leur PEE une partie de l’argent qui y est bloqué. L’objectif étant d’apporter un soutien immédiat aux salariés dont les revenus sont devenus insuffisant face à la hausse des prix.

Cet outil de soutien à la consommation est devenu un « classique » en période de crise. En 2004, 8 milliards d’euros avaient été débloqués.

En revanche, les deux dernières expériences sont à relativiser.

La mesure a entrainé, en 2008, le versement de 3,9 milliards d’euros aux salariés et en 2013, environ 2 milliards.

Il est fort probable que le dispositif mis en place en 2022 s’inscrive dans cette tendance. Votée au cœur de l’été 2022, cette possibilité de déblocage semble être un peu passée inaperçue.

Les salariés ayant usé de cette opportunité ne sont guère nombreux au vu du contexte de forte inflation.

En effet, l’objectif de cette disposition temporaire vise à permettre aux ménages de puiser dans cette ressource pour payer des dépenses de vie courante, ou encore, par exemple, pour entreprendre des travaux destinés à réduire leur facture énergétique. En d’autres termes, ce dispositif très large permet aux salariés de débloquer de l’argent pour « tout » acheter sauf épargner.

Ce procédé est, tout de même, par certains aspects assez restrictif. Bénéficiant uniquement aux salariés du secteur privé et non pas à tous les travailleurs, il est également limité dans sa durée et son montant.

En réalité, seulement une partie des salariés du privé ont la possibilité de bénéficier de cette mesure. Concrètement, peu de travailleurs issus des petites et moyennes entreprises ont accès à ce système. Malgré tout, l’accès à l’épargne salariale est en constante évolution.

Une étude de l’Association française de la gestion financière met en avant que le nombre d’entreprises proposant un dispositif d’épargne salariale à leurs salariés est en augmentation globale (+5,6%), passant de 348 000 à 367 000 entreprises entre juin 2021 et juin 2022. Il progresse notamment chez les petites entreprises (+ 6,1% pour les entreprises de moins de 50 salariés). Ce mécanisme se développe en continue dans les entreprises, quelles que soit leur taille, touchant une certaine quantité de salariés. C’est probablement pour cette raison que le législateur a permis le déblocage de ce dispositif.

Références

[1] Antonin Briand, « Participation, intéressement et épargne salariale en 2020 », DARES Résultats n°19, 28 avril 2022

[2] Articles L. 3312-1 et suivants du code du travail

[3] Article L. 3332-1 du code du travail

[4] Tel a été le cas en 1994, 1996, 2004, 2008 et en 2013.

[5] LOI n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, JORF 17 août 2022

[6] « Intéressement et participation : le déblocage exceptionnel des sommes investies avant 2022 » Foire aux questions, ministère du Travail, , 13 septembre 2022

[7] Article 5, LOI n° 2022-1158 du 16 août 2022, JORF 17 août 2022

La guerre en Ukraine a entrainé une inflation sans précédent. Le salaire minimum de croissance (SMIC), qui est indexé sur les prix a en conséquence été revalorisé, notamment le 1er janvier 2023. Il est désormais d’une valeur de 1709,28 € bruts mensuel[1]. Cette augmentation du salaire minimum légal s’est faite rapidement, de sorte que les minima conventionnels sont régulièrement dépassés par ce SMIC revalorisé.

A titre d’exemple, selon l’étude d’impact du projet de loi portant mesures d’urgences pour la préservation du pouvoir d’achat, du 6 juillet 2022, « seulement 51 branches sur les 171 branches suivies (soit 30 %) ont conclu un accord ou émis une recommandation patronale conforme au SMIC revalorisé au 1er mai 2022 »[2]. La hausse des prix liée au conflit en Ukraine est une situation inédite par rapport aux années précédentes :

« en effet, seules 26% des branches suivies étaient non conformes au SMIC, l’année dernière à la même époque »[3]. Selon le Ministre du travail Olivier Dussopt la revalorisation des grilles salariales de branches et d’entreprises constitue « un enjeu majeur en matière de pouvoir d’achat et de déroulement de carrière pour les salariés »[4].

Dans ce contexte quel choix a été fait par le législateur ?

Il s’agit dans un premier temps de mettre l’accent sur la fusion administrative de branches. L’article L.2261-32 du code du travail permettait déjà au Ministre du travail de fusionner des branches conventionnelles en raison de « l’intérêt général de la restructuration ». Parmi ces motifs justifiant une fusion des branches conventionnelles figure la faiblesse de l’activité conventionnelle.

Désormais en vertu de l’article 7 de la loi dite « pouvoir d’achat » la faiblesse du nombre d’accords garantissant les minima conventionnels des salariés les moins qualifiés, au moins au niveau du SMIC, devient un élément caractérisant la faiblesse de l’activité conventionnelle[5].

Dans un second temps un choix a été fait de mettre en place une procédure d’extension accélérée des avenants salariaux à une convention étendue.

Par principe le Ministre du travail pouvait étendre un accord de branche dans un délai de six mois. Cette procédure accélérée permet, par voie règlementaire, dans un délai de deux mois d’étendre ces avenants. Elle s’appliquera lorsqu’au moins deux revalorisations du SMIC seront intervenues dans les douze derniers mois précédant la conclusion de l’avenant[6].

Enfin l’article 7 de la loi « pouvoir d’achat » permet d’accélérer le processus d’ouverture des négociations par un syndicat. Lorsque les minima conventionnels des salariés sans qualification sont rattrapés par le SMIC, les partenaires sociaux doivent se réunir pour négocier sur les salaires. Auparavant, ce n’était qu’au bout de trois mois sans initiative patronale qu’un syndicat pouvait demander l’ouverture de négociations. Désormais, un syndicat peut déclencher l’ouverture des négociations à partir du moment où la partie patronale est restée inactive pendant quarante-cinq jours[7].

Ces choix du gouvernement ne font pas l’unanimité.

La CGT voit dans la restructuration des branches un effet d’annonce et doute de son application immédiate, « d’autant plus que beaucoup de branches qui présentent des minima non conformes ont une vie conventionnelle régulière et ne seraient donc pas concernées par les critères de la restructuration »[8].

Par ailleurs la Commission des finances du Sénat n’a pas été tendre avec les propositions du Gouvernement. Christine Lavarde déplore en effet un « soutien cosmétique à la revalorisation des grilles salariales », par des mesures « dépourvues de valeurs normatives, voire inefficientes ».[9]

Pour autant des solutions existent. La CGT préconise d’« affirmer l’augmentation automatique de l’ensemble des minima de branche dès lors que le SMIC est revalorisé » et ouvrir « des négociations salariales dans l’ensemble des branches professionnelles pour éviter les situations de décalage de parfois plusieurs mois, ainsi que pour créer une vraie dynamique salariale »[10].

Quelles sont les mesures européennes ?

La hausse des prix touche la France mais cette situation est belle et bien internationale. Ainsi une directive européenne a été adoptée le 19 octobre 2022, sur les salaires minima adéquats dans l’UE[11]. Cette directive demande aux « États membres dont la couverture conventionnelle est inférieure à 80 % d’établir un plan d’action pour promouvoir la négociation collective ». Aussi « les États membres peuvent établir un panier de biens et de services à des prix réels, ou le fixer à 60 % du salaire médian brut et 50 % du salaire moyen brut »[12].

Si ce texte constitue une avancée au niveau de l’Union Européenne, la CFE[1]CGC note de son côté qu’en France les impacts seront limités puisque « le salaire minimum légal semble correspondre aux critères prévus par le texte et que le taux de couverture conventionnel excède déjà les 80 %. Il pourrait néanmoins donner lieu à une implication plus forte des partenaires sociaux »[13].

Références

[1] « 1er janvier 2023 : ce qui change » Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion , 2 janvier 2023, consultable sur le site du ministère du travail : https://cutt.ly/d2T5AnZ

[2] Etude d’impact du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, Assemblée Nationale, 6 juillet 2022, Consultable sur le site : https://cutt.ly/Q2T6zfV

[3] Voir [2]

[4] Sabine Izard, « La piste du gouvernement pour inciter les branches à négocier sur les salaires », Semaine sociale Lamy, 18 juillet 2022, Consultable sur le site : https://cutt.ly/12T61AN

[5] Marie Coste, “ce que change la loi pouvoir d’achat concernant les conventions collectives”, Editions Tissot, 5 juillet 2022, Consultable sur le site : https://cutt.ly/Y2YqyNI

[6] Voir [5]

[7] Voir [5]

[8] “Analyse détaillées des lois du paquet pouvoir d’achat”, CGT, 18 août 2022. Consultable sur le site : https://cutt.ly/A2Yqk6o

[9] Louis Mollier-Sabet, “Pouvoir d’achat : « Effet d’annonce », « soutien cosmétique » … la commission des Finances du Sénat critique la loi du gouvernement”, Public Sénat, 25 juillet 2022, Consultable sur le site du Sénat: https://cutt.ly/B2YqIWv [

10] voir [8]

[11] Directive (UE) 2022/2041 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne

[12] “La Commission se félicite de l’accord politique sur des salaires minimaux adéquats pour les travailleurs dans l’Union européenne”, Commission européenne, 07 juin 22, Consultable sur le site : https://cutt.ly/w2YwxMU

[13] “Accord sur les salaires minimums : une avancée pour l’Europe sociale” CFE-CGC 19 juillet 2022, Consultable sur le site : https://cutt.ly/h2Yw1uE

Dans un contexte de crise, l’Etat a développé des mécanismes pour amoindrir les effets sur les entreprises et les salariés notamment grâce à l’activité partielle et à la formation.

En effet, les entreprises ont pu avoir accès à l’activité partielle (ou chômage partiel). Ce dispositif de sauvegarde de l’emploi n’était que peu utilisé après sa création. Ce n’est qu’avec la crise de 2008 qu’il a été mis en lumière.

Avant d’être développé, ce mécanisme fait l’objet d’une consultation pour avis du CSE et d’une demande d’autorisation par la DREETS en précisant le volume d’heures chômées prévu, le nombre de salariés concernés et le contexte de cette demande. Si l’autorisation est accordée, il y a recours à l’activité partielle de tout ou partie des salariés.

Pendant ces périodes d’absences de travail, la formation des salariés était propice pour développer leurs compétences en attendant la reprise de l’activité. Cette formation permettait de former les salariés aux évolutions de poste ou de se réorienter en cas de perte d’emploi.

Il y a plusieurs outils de formation comme le compte personnel de formation (CPF) ou la validation des acquis de l’expérience.

Le CPF, par exemple, est une aide pérenne puisqu’il « permet à toute personne active dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à la date à laquelle elle fait valoir l’ensemble de ses droits à la retraite, d’acquérir des droits à la formation mobilisables tout au long de sa vie professionnelle[1] ».

Ce compte est alimenté automatiquement en fonction du temps de travail réalisé dans l’année. Ces formations peuvent être faites à distance ou en présentiel.

Le dispositif du FNE-Formation

L’Etat a développé le dispositif FNE-Formation (Fonds National de l’Emploi) pendant la crise sanitaire pour former les salariés. La condition était qu’il y avait une prise en charge entière des frais pédagogiques des formations si l’employeur maintenait les salariés en emploi durant le temps de la formation.

En France, selon la DARES (Direction de l’Animation et de la Recherche, des Etudes et des Statistiques), 44%[2] des salariés du secteur privé ont connu ce dispositif entre mars et août 2020 et cela a concerné près de 60% de ceux de l’hôtellerie-restauration qui était un des secteurs les plus touchés par les confinements.

Le FNE-Formation a été confié à la DREETS qui l’a délégué aux Opérateurs de compétences (OPCO) qui finançaient les formations n’allant pas au-delà de 1 500€ par salarié et celles qui pouvaient être faites uniquement à distance par un prestataire externe.

Dans le catalogue de formation proposé, il y a les formations certifiantes ou non, les bilans de compétences et les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience. Les formations exclues de ce catalogue sont celles relatives à l’hygiène et la sécurité et celles relevant de l’obligation de l’employeur.

Marketing, bureautique, communication étaient les domaines prisés par les salariés pour développer leurs appétences.

La durée de formation ne devait pas être supérieure au nombre d’heures en activité partielle du salarié et en cas de reprise anticipée, la formation se déroulait sur tout ou en partie sur le temps de travail.

Le bilan de ce mécanisme

Le nombre de salariés qui a eu recours à la formation est jugé « assez faible » par la DARES [3}. De plus, les entreprises qui ont mis en place ce plan de formation sont celles qui avaient déjà l’habitude de travailler avec les formations à distance. Cela était plus compliqué pour les petites entreprises qui n’avaient pas forcément de service de ressources humaines pour faire les démarches administratives.

Les entreprises ont vu ce dispositif comme un avantage pour leurs salariés puisque les principaux freins à la formation ont été levés avec le FNE-Formation. Les entreprises n’avaient pas recours à ces formations pour deux raisons majeures. D’une part, elles ne pouvaient pas remplacer les salariés en formation. D’autre part, le reste à charge qui leur incombait demeurait trop important.

Ce dispositif était accompagné d’un budget conséquent permettant de rassurer les entreprises et d’être un vecteur de facilitation de l’accès à la formation.

Le FNE-Formation est apparu comme un dispositif susceptible de satisfaire toutes les demandes de financement puisqu’il n’y avait que peu de demandes de formation longue dépassant les 1500€.

En 2021, l’idée de l’Etat était d’établir une « logique de parcours » pour que les parcours de formation soient mieux structurés et plus longs.

Cette logique pouvait englober les parcours de reconversion c’est-à-dire accompagnant les changements d’emplois et les parcours certifiants procurant un diplôme. Les salariés pouvaient faire une demande de projet de transition professionnelle financée par les commissions paritaires interprofessionnelles régionales.

Le bilan est positif puisque ces formations ont permis aux salariés de se spécialiser dans la maîtrise d’une technique. Plus encore, cela a permis de garder un lien pour faciliter la reprise du travail.

Références

[1] « Compte personnel de formation ou CPF : on vous explique tout », Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion , 24 mars 2022, consultable sur le site du ministère du travail : https://cutt.ly/y9liT6T

[2] Sophie DESSEIN et Coralie PEREZ, « Rôle de la formation pendant la crise sanitaire : quelle articulation avec le chômage partiel ? », Rapport d’études n°020, DARES, octobre 2021, consultable sur le site : https://cutt.ly/k9lohds

[3] Ibid

Le système de sécurité sociale est alimenté, à titre principal, par les cotisations de sécurité sociale salariales et patronales qui sont recouvrées par un réseau d’URSSAF régionales piloté par une caisse URSSAF Nationale anciennement appelée ACCOSS. Ce réseau a été fortement sollicité durant la crise sanitaire.

En effet, les confinements et couvre-feux successifs rendus nécessaires par l’épidémie de SARS-COV-2 ont durement impacté non seulement la vie des français mais également celle des entreprises. Avec la mise à l’arrêt des commerces non essentiels, il devenait impossible pour beaucoup d’entreprises de régler leur dettes fiscales et sociales.

En conséquence, le gouvernement a fait adopter dès le 23 mars 2020 une proposition de loi de finance rectificative contenant des mesures transitoires de sauvegarde et de soutien aux entreprises, par lesquelles le législateur s’oblige en son article 11 à prendre toute mesure « d’aide directe ou indirecte pour venir en aide aux entreprises dont la viabilité est mise en cause ».

Si certaines mesures, comme les prêts garantis par l’état, ont été relayées par les médias et sont relativement connues par le grand public, d’autres mesures sont moins connues, notamment celles relatives aux paiements des dettes sociales pour les entreprises et les travailleurs non-salariés.

Alors que ces mesures ont été petit à petit levées à partir de 2021 et que le recouvrement forcé commence à repartir à la hausse, il parait intéressant de revenir sur ces mesures d’une ampleur inégalée qui ont été mises en place durant la crise COVID afin de protéger les cotisants.

Il convient avant tout autre développement de rappeler que les cotisations sociales sont calculées et appelées de manières provisionnelles sur la base du revenu de l’année n-2 puis ajustées sur le revenu n-1 et régularisées sur le revenu de l’année n dès lors que celui-ci est connu.

Pour cela, les entreprises touchées par la crise sanitaire ont été divisées en plusieurs secteurs afin d’adapter les aides à la réalité du terrain[1]. Par exemple, pour éviter aux cotisants de payer des échéances trop importantes par rapport à leurs revenus amputés par les restrictions sanitaires, une instruction a été diffusée pour saisir des revenus estimés pour l’année n inférieurs de moitié à ceux de l’année n-1. De facto, cela a induit une forte modulation des échéances.

Au vu des restrictions sanitaires encore en vigueur à cette date, ces mesures de report et d’exonération ont été prolongées en janvier 2021 pour les entreprises affectées par les restrictions sanitaires en vigueur à cette date[2]. En conséquence, le processus de sortie de crise et de reprise du recouvrement s’est étiré de juillet 2020 jusqu’en septembre 2021.

Cependant, un problème se posait alors. En effet, malgré les multiples reports et la minoration des échéances, le paiement des cotisations sociales reste d’ordre public. Une fois le revenu définitif de 2020 et 2021 connu, il fallait organiser l’apurement des dettes sociales des cotisants.

Voilà pourquoi dès juillet 2020 et la reprise partielle du recouvrement, les URSSAF ont encouragé le recouvrement spontané des cotisations[3].

Un second volet de mesures a consisté en la suspension du recouvrement amiable et forcé des cotisations.

En effet, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux suspend l’exigibilité et le recouvrement de toutes les créances, y compris celles antérieures aux annonces gouvernementales jusqu’à la fin du mois suivant la sortie de l’Etat d’urgence. En conséquence, toutes les procédures de recouvrement amiable ou forcé ont été suspendues.

Pour mémoire, le recouvrement forcé correspond à l’ensemble des mesures permettant aux organismes de sécurité sociale de faire recouvrer leurs créances. La procédure formelle oblige l’URSSAF à envoyer une mise en demeure au cotisant. Si cette mise en demeure reste sans effet, l’organisme de sécurité sociale peut, au visa de l’article L244-9 du code de la sécurité sociale, émettre une contrainte qui, sauf opposition dans les 15 jours, devient un titre exécutoire.

Ce recouvrement n’a pu reprendre qu’à partir de la fin août 2022, soit un mois après la fin du régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Au vu de la longueur du processus de recouvrement, nous n’en sommes qu’à l’envoi des mises en demeure et il faudra sans aucun doute quelques mois pour constater l’effet de cette suspension du recouvrement sur la solvabilité des entreprises.

A ce stade, il est cependant possible de tirer deux enseignements de ces mesures exceptionnelles.

D’une part, elles montrent l’extraordinaire flexibilité du système de sécurité sociale qui a su s’adapter à des circonstances exceptionnelles en accompagnant le cotisant sans pour autant mettre en péril le financement du système de sécurité sociale. Ainsi, en 2021 se sont 1.545.380 plans d’apurement des dettes qui ont été envoyées avec un taux de respect de ces plans de 75,8% des échéances des plans mis en place[4].

D’autre part, les premiers chiffres montrent une très forte diminution des procédures collectives qui ont été divisées par deux entre 2019 et 2020[5].

Si on ne constate pas à l’heure actuelle de rattrapage pour les TPE-PME qui ont été les entreprises les plus soutenues pendant la crise, pour les grands groupes, les aides COVID ont constitué tout au plus un sursis. Camaieu a été le premier groupe à tomber. Il y a fort à parier qu’avec la reprise de ce recouvrement forcé, la Halle, Pimkie ou Prestalis pourraient ne pas tarder à suivre.

Références

[1] ” Exonération Covid : la liste des secteurs S1 et S1bis est à nouveau actualisée ” Legisocial 15 décembre 2020, Consultable sur le site : https://cutt.ly/60aPeLj

[2] Communiqué de presse, URSSAF, 17 décembre 2022, Consultable sur le site : https://cutt.ly/a2EPbnZ

[3] Dossier de Presse, URSSAF Languedoc Roussillon, juillet 2020, Consultable sur le site : https://cutt.ly/C2EPSha

[4] Rapport d’activité 2021, URSSAF, 8 août 2022, Consultable sur le site : https://cutt.ly/S2EPXRW

[5] Mathilde Goupil et Mathieu Lehot-Couette “Covid-19: Quelles sont les entreprises qui ont évité la faillite grâce aux aides de l’état ?” France Info, 1er juin 2021 Consultable sur : https://cutt.ly/n2EAVcf